10 mars 2009
2
10
/03
/mars
/2009
16:54
Je reçois ce matin un courrier d'ACD (AntiChômDû) m'annonçant que je suis radiée des listes de demandeurs d'emploi pour motif que je n'aurais pas "actualisé ma situation" — traduction : pointé — le mois précédent. Or, si, je l'ai fait. Mais comme maintenant tout s'effectue par téléphone, quelle preuve en ai-je ? Soupir. La journée commence bien.
Je m'accorde un petit répit, un petit café, une petite rêverie. Mais, c'est trop tard, les voix junéniles et enthousiastes que je redoute d'affronter, me tiennent déjà et s'y glissent.
Je nous vois, tels ces navigateurs antiques, à la merci de ces sirènes d'un nouveau genre. "Le truc, me dis-je, c'est que nous le sommes tous, mais un par un, et sans jamais pouvoir prévoir d'où va venir le prochain coup, ni quand." D'ailleurs, n'est-ce pas ce qui a fait fleurir tous ces courants socio-culturels prônant du "restez- zen" à tour de bras, depuis quelques années ? Franchement, ça m'énerve. Ces problèmes, ces stress quotidiens, ne sont pas individuels, il sont collectifs : ils sont politiques! Alors "rester zen" devant une petite entorse par-ci, une petite entorse par-là, finalement c'est faire le jeu du pouvoir.
Un peu affermie, j'attrape le téléphone, tape le numéro, tombe sur une voix enthousiaste et juvénile (de femme, bien sûr) me demandant de taper mon code postal, puis mon identifiant (heureusement j'avais prévu le coup), puis mon code secret, ce que je fais machinalement, m'attendant à devoir me plier, comme d'habitude, au dernier progrès notoire en matière de modernisation d'ACD : au lieu de "tapez 1, tapez 2" etc. -vous connaissez la ritournelle-, "dîtes ceci ou cela" (genre "actualisation", "indemnisation", "mon dossier") avant de reprendre le plus classique "tapez1, tapez 2, tapez 3", que nous subissons tous. Et bien, non ! Surprise ! Une voix d'homme interrompt délicieusement l'assommante litanie. Ça alors !
Sous le choc, saisie par une fulgurante déformation temporelle, je réentends la voix me susurrant " bienvenue sur le serveur du Bipôle AssurEmp". Comment n'avais-je pas noté cette transfiguration soudaine de l'habituel "ACD à votre service" ? Sous le choc, je raccroche, refais le numéro, écoute attentivement.
Aucun doute, c'est bien à l'irruption de l'argent dans l'organisme que la voix masculine doit son exceptionnelle présence. Aux "pauvres", aux "soutiens", aux "chômeurs", aux "enfants", aux "aides à faire les démarches correctement" on associe des voix maternelles. À l'argent et au pouvoir des voix de mecs, de vrais, c'est-à-dire graves.
L'autre jour, en feuilletant chez un copain une revue dédiée à l'Entreprise (vous noterez la majuscule), je tombe sur l'étrange sous-titre " Vers une féminisation de l'entreprise ? " Je n'ai pas pu l'empêcher, c'est sorti tout seul : "Par féminisation, ils entendent maternisation, je suppose, non ?"
"Oui" me répondit mon pote, pris de court.
Et voilà. Je vis dans une société complètement incestueuse. Je traduis : les "petits" (vous, moi) n'arrêtent pas de s'y faire baiser la gueule par les "grands" (les gros organismes), en douce et sans recours possible. Après les dégats, restent les aides sociales...
On a beau se vanter d'être le pays des Droits de l'Homme, aujourd'hui, en France, on vit de plus en plus dans l'arbitraire total.
Aucun doute, c'est bien à l'irruption de l'argent dans l'organisme que la voix masculine doit son exceptionnelle présence. Aux "pauvres", aux "soutiens", aux "chômeurs", aux "enfants", aux "aides à faire les démarches correctement" on associe des voix maternelles. À l'argent et au pouvoir des voix de mecs, de vrais, c'est-à-dire graves.
L'autre jour, en feuilletant chez un copain une revue dédiée à l'Entreprise (vous noterez la majuscule), je tombe sur l'étrange sous-titre " Vers une féminisation de l'entreprise ? " Je n'ai pas pu l'empêcher, c'est sorti tout seul : "Par féminisation, ils entendent maternisation, je suppose, non ?"
"Oui" me répondit mon pote, pris de court.
Et voilà. Je vis dans une société complètement incestueuse. Je traduis : les "petits" (vous, moi) n'arrêtent pas de s'y faire baiser la gueule par les "grands" (les gros organismes), en douce et sans recours possible. Après les dégats, restent les aides sociales...
On a beau se vanter d'être le pays des Droits de l'Homme, aujourd'hui, en France, on vit de plus en plus dans l'arbitraire total.
Bon, mais je dévie. Revenons à mon histoire d'ACD, heu non, de PAE. Je refais donc le numéro une troisième fois, finis par tomber sur une opératrice qui m'explique qu'il faut que je me réinscrive illico (ce qui signifiait, me refaire la litanie une quatrième fois) et que j'envoie dare-dare un courrier à la direction pour contester ma radiation et demander une inscription rétroactive. Un peu énervée je lui fais remarquer que le téléphone étant désormais l'instrument du pointage, il est un peu incohérent de devoir passer par un courrier pour en dénoncer le mauvais fonctionnement, de toute façon incontrôlable pour l'appelant. "Je sais, je sais" a-t--elle l'amabilité de me répondre, sans doute confrontée aux mêmes monstruosités incestueuses que moi. Je raccroche avec ce soupir désormais familier que provoque en moi chaque dose d'impuissance et de fatigue supplémentaire… Croyez-le ou non, j'ai quand même eu le courage de rédiger cette foutue lettre, tout en faisant le téméraire pari de ne pas mettre 5 euros de RAR...
Ouh là, là ! Pardon : de recommandé avec accusé de réception !
Non mais c'est fou ce que ce genre de connerie peut épuiser : trois sigles dans le même paragraphe, vous vous rendez compte le rétrécissement linguistique ! Je vous en conjure, méfiez-vous des sigles ! Leur prolifération ne peut qu'aller de pair avec la diminution. Or plus on rapetisse - c'est géométrique : on ne peut voir ni haut ni loin quand on est petit - plus on ratiboise (notamment ce qui élève : l'intelligence, le cœur et les salaires).
"Pas étonnant qu'on ait élu un aussi court sur pattes que Sarkozy, me dis-je sur ce, dans ce contexte un haut sur pattes comme de Gaulle, serait passé pour un grand dadet, genre Averell dans les Dalton."
Non mais c'est fou ce que ce genre de connerie peut épuiser : trois sigles dans le même paragraphe, vous vous rendez compte le rétrécissement linguistique ! Je vous en conjure, méfiez-vous des sigles ! Leur prolifération ne peut qu'aller de pair avec la diminution. Or plus on rapetisse - c'est géométrique : on ne peut voir ni haut ni loin quand on est petit - plus on ratiboise (notamment ce qui élève : l'intelligence, le cœur et les salaires).
"Pas étonnant qu'on ait élu un aussi court sur pattes que Sarkozy, me dis-je sur ce, dans ce contexte un haut sur pattes comme de Gaulle, serait passé pour un grand dadet, genre Averell dans les Dalton."
Rire nerveux. Je viens moi-même, bien qu'involontairement, de contribuer au ratiboisement des statistiques du chômage en France !
...Au prix de tous mes droits (n'étant pas indemnisée, je parle de droits sociaux éventuels, comme les embauches "aidées"). Tout ça pour une défaillance technique incontrôlable. Bravo l'arnaque ! Je n'ose pas penser à tous ceux que ce genre de "bug" prive de leurs allocations...
...Au prix de tous mes droits (n'étant pas indemnisée, je parle de droits sociaux éventuels, comme les embauches "aidées"). Tout ça pour une défaillance technique incontrôlable. Bravo l'arnaque ! Je n'ose pas penser à tous ceux que ce genre de "bug" prive de leurs allocations...